lundi 2 avril 2012

Pour ou contre les sondages ?

Ah, les sondages ! Sujet aux débats virulents. Mais sujet qui intéresse les gens ! Que faire de ces sondages ? Ils sont là pour nous guider, mais certains disent qu'ils faussent le jeu. Ils doivent refléter le choix des électeurs à un moment précis, mais certains disent qu'ils sont biaisés.

Il s'agit en tout cas d'un sujet qui fait débat dans mon cercle d'amis. Ceux-ci m'ont donc aidé à réfléchir à la question. Je vais donc vous exposer mon point de vue, tout en l'atténuant avec les remarques très justes que j'ai pu obtenir. Personnellement, les sondages en période électorale, je n'y suis pas favorable. Pourquoi ?

Tout d'abord, parce que je ne suis pas favorable à la pratique du vote utile. Comme vous avez pu le voir dans mon précédent article ("Votez par passion"), je trouve cette pratique antidémocratique. Or certains candidats font appel au vote utile car ils ont connaissance de ces sondages. Si cela n'était pas le cas, personne ne pourrait appeler au vote utile, puisque ne connaissant pas la position des différents candidats dans les intentions de vote.

Ensuite, parce que je ne veux pas que les électeurs se réfugient trop facilement et trop rapidement dans l'impasse d'un éventuel second tour déjà joué, avant même les choix du premier tour. Les sondages sont la meilleure façon de rabâcher aux électeurs que 2 candidats "sortent du lot", ces dernières années UMP et PS ont pris les 2 premières places du podium. Certains électeurs choisissent alors uniquement entre ces 2 prétendants, empêchant certains courants de fond de prendre forme.

De plus, ils empêchent la mobilisation et ralentissent l'intérêt de l'électeur. Mettez-vous par exemple à la place d'un(e) militant(e) écologiste qui voit peiner sa candidate, Mme Eva Joly. Iriez-vous, à sa place, essayer de militer en faveur de son programme ? Iriez-vous voter pour Mme Joly si vous saviez par avance que votre vote n'aura réellement aucun impact ? Non. Et vous auriez raison. Pourquoi se donner cette peine quand la candidate ou le candidat qui représente le mieux vos valeurs atteint difficilement les 2 points dans les sondages. Désespoir.

De même, je suis persuadé qu'ils jouent sur l'abstentionnisme. Je pense qu'au moins une partie des abstentionnistes ne va pas voter à cause justement de la faible courbe de tendance de leurs candidats. A quoi bon aller voter pour un parti qui va faire seulement 3 % ? L'abstentionnisme était de 16,2 % en 2007 et de 28,4 % en 2002. Imaginez l'impact que peuvent avoir les abstentionnistes ! 

Aussi, et c'est sans doute le plus important. Les sondages empêchent en partie les débats de fond d'être abordés durant une campagne. Comme vous avez pu vous-même l'observer jusqu'à maintenant, nombre des interventions ou propositions des candidats sont faites pour séduire les électorats voisins. Si nous n'avions pas connaissance des intentions de vote, aucun parti ne serait capable de mener ce qu'on appelle de la "stratégie électorale". Ils seraient donc bien obligé de proposer de réelles avancées sur le fond, un réel projet. Tant pis pour eux, tant mieux pour nous. Cette orientation du débat vers la séduction des extrêmes permet aux candidats d'éviter les questions qui fâchent. Par exemple, ils n'abordent pas (sauf un...) le sujet des déficits, de notre compétitivité, de la dette, du chômage, etc.

Enfin, il nous permettrait d'éviter les discussions inutiles mais toujours chronophages pour chaque candidat, à chaque émission, dans n'importe quel média (je vous laisse faire le compte des minutes perdues) :
      - Journaliste : - "Mais enfin, dans le dernier sondage, bla bla bla..."
      - Candidat : - "Ne prenez pas en compte les sondages, bla bla bla..."

Certains amis ont mentionné que l'interdiction des sondages était l'équivalent d'une censure. Ils m'ont affirmé qu'il fallait garder la libre circulation de l'information. Je comprends leur sentiment. Mais la censure n'est-elle pas bonne quand utilisée dans l'intérêt du peuple ? N'est-ce pas de la censure lorsque le chef de l'Etat, à raison, appelle la chaîne d'information Al Jazeera à ne pas divulguer les images des meurtres de Toulouse ? Il s'agit d'une bonne censure qui a évité d'étaler l'horreur à la télévision et sur internet. Le respect des familles des victimes était crucial. Ils auraient été malsain de laisser cette vidéo à la portée d'enfants et en libre circulation sur le web. C'est une censure morale ! Ne pensez-vous pas qu'être libre de tous sondages et des commentaires et orientations qui les suivent dans les médias, serait bon pour notre liberté de pensée ? J'affirme que si je n'avais accès à aucune enquête d'opinion en période électorale, je serais obligé d'aller moi-même chercher en profondeur l'information dans le contenu des programmes. Ce que je ne fais que pour les partis majoritaires aujourd'hui. Ce serait une bonne chose pour la démocratie et l'émancipation des peuples. Le devoir du citoyen de s'impliquer dans la chose publique ne serait que renforcé, ce qui manque cruellement dans notre société.

D'autres me disent que les sondages sont justement une représentation objective de la réalité et qu'ils restent libres d'interprétation pour chaque personne qui les consulte. Je suis entièrement d'accord. Je ne critique pas la juste représentation qu'ils sont, mais l'impact qu'ils ont. A la fois sur l'abstention, sur les décisions des électorats minoritaires, sur les décisions des électeurs de "dernières minutes" et sur le contenu de la campagne. Finalement, la libre interprétation ne dépend que de l'individu qui regarde et analyse le sondage, pour autant qu'il le fasse...

Pour résumer, je pense qu'une absence de sondage en période électorale permettrait:

  • D'éliminer le vote utile (voir mon précédent article "Votez par passion")
  • Moins d'électeurs de dernières minutes (qui choisissent entre n°1 et n°2 dans les sondages)
  • Moins d'abstentionnisme
  • Plus d'implication, plus d'intérêt, plus de curiosité politique et donc un renforcement du devoir citoyen
  • Plus de débats de fonds
  • Moins d'échanges puerils à propos des sondages dans les médias

Si l'interdiction pure et simple des sondages en période électorale n'est pas la solution qui permettrait d'éviter les dérives mentionnées ci-dessus, que proposez-vous ?

2 commentaires:

  1. Bonjour,

    Je commence par un petit aparté : Comparer l'interdiction des sondages à la censure de la vidéo des meurtres de Toulouse est... exagérée à mon sens. Est-il avéré qu'un sondage est néfaste pour la société ? La diffusion de la vidéo, on peut en revanche dire avec certitude qu'elle provoquerait une réelle souffrance auprès des familles des victimes. L'interdire, est, selon moi, justifié uniquement par cet aspect, pas par la protection des enfants (sinon, il y a beaucoup d'autres choses sur Internet qu'il faudrait interdire !) ou âmes sensibles.

    Cela pour dire que, l'argument de la censure dans le but de protéger la population est bancal. N'est-ce-pas précisément dans ce même but proclamé que d'autres pays dans le passé ou aujourd'hui encore limitent les droits de leurs citoyens ?

    Pour ce qui est du débat principal, le problème, n'est pas tant les sondages, que l'utilisation qu'en font les médias qui en présente les conclusions comme une réalité... Pour moi, le premier problème vient donc des médias.

    De plus, je pense que ce sont plus le creux des programmes des différents partis que les sondages qui justifie le vide des débats.

    Par rapport au vote utile, tu soulignes l'effet des sondages. Penses-tu vraiment qu'Hollande ou Sarkozy, tous deux représentants des partis historiquement prépondérants, laisserait tomber l'argument du vote utile sans les sondages ? Le vote utile est apparu en 2002, et ce ne sont pas les sondages qui l'ont provoqué. On voit d'ailleurs avec la percée récente de Mélenchon et la position non moins envieuse de Le Pen que l'argument du vote utile n'a plus la même force aujourd'hui. D'ailleurs, penses-tu que la couverture médiatique de Mélenchon aujourd'hui serait la même s'il n'avait pas percé dans les sondages ? J'ai été, personnellement, très surpris par ce changement.

    Pour ce qui est de l'abstentionnisme, je t'avoue ne pas être sur d'avoir compris en quoi les sondages le favorisait ?

    Pour moi, plus que l'interdiction des sondages, qui est une censure inutile, je préconise davantage une meilleure explication de ces sondages. Tu sais, la petite étoile écrite à la fin, en tout petit... On pourrait, l'étoffer, ou la rendre plus visible.

    Ou mieux, un débat, sur les limites intrinsèques aux statistiques. Par exemple, si les candidats eux-même étaient mieux informés, pourrait-il alors répondre au journaliste en leur expliquant, que leur sondage donne une conclusion temporaire et non fiable pour tel ou tel raison. Mais c'est vrai que la, ce serait probablement trop techniques pour donner envie au téléspectateur d'accrocher, mais cela enlèverait peut-être l'envie au journaliste de poser la question...

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    1. Merci pour ton commentaire ! J'ajoute que tu as raison !

      Pour répondre à ta question sur l'abstentionnisme: je pense que de nombreux abstentionnistes sont des électeurs des petits partis qui n'arrivent pas à percer. Mettons-nous à la place d'un électeur de Cheminade, Arthau, Poutou, Joly ou Dupont-Aignan. Ces électeurs voient leurs candidats peiner dans les sondages, j'imagine que leurs envies de les soutenir se réduiront à l'approche de la date fatidique. Finalement, à quoi bon soutenir un candidat qui fera largement moins de 5% ? Pas de sondage, pas de désespoir.

      Concernant Jean-Luc Mélenchon, je pense effectivement que les sondages ont favorisé sa couverture médiatique. Par contre, je ne suis pas sûr qu'ils en soient responsables. Sa "prise de la bastille" aurait été aussi bien couverte médiatiquement, vu l'ampleur de l'évènement et la symbolique qu'il y avait autour. Je pense plutôt que Mélenchon a une grosse couverture médiatique parce qu'il est doué et a compris le jeu médiatique.

      Concernant le vote utile, je reste en désaccord. Si Mélenchon ne représentait que 4-5% des intentions de vote, le vote utile serait certes soutenu par le PS, mais de façon beaucoup plus timide. Aujourd'hui nous voyons bien que tous s'acharnent à prendre des voies au Front de Gauche. S'il n'y avait pas du tout de sondages, le flou complet ne permettrait pas au candidats d'ajuster leur projet en fonction des tendances, ni même de faire des annonces pour séduire d'autres tranches d'électeurs. Je suis persuadé qu'ils seraient obligés d'avoir un véritable programme de fond qui tienne de bout en bout, avec des distinctions idéologiques fortes entre les différents partis qui nous permettraient d'y voir plus clair.

      Pour en revenir au sujet principal, les sondages, je suis entièrement d'accord avec toi sur le fait qu'aucune censure n'est possible. Néanmoins, une meilleure utilisation de ceux-ci doit être imaginé. Les effets néfastes décris sont un poison qui empêche l'installation de véritables idéologies. On voit bien dans cette campagne qui va jusqu'à mettre le sujet du permis de conduire au centre des débats !

      Comment alors forcer les médias à mieux utiliser les sondages ? A moins les mettre en avant ?

      Peut-être des études plus qualitatives ? Par exemple, mettre en place des interviews de spécialistes de chaque domaine (santé, médecine, économie, etc.) qui pourraient juger convenablement du contenu des propositions de chaque candidat. Ou carrément des sondages chez ces spécialistes, on aurait alors moins "d'effet de masse". Les médecins/économistes/chercheurs voteraient plus pour tel ou tel candidat, pour telle ou telle raison.

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